Bunker Brochette : Le début des emmerdes.
Le vrombissement lointain du système de ventilation était devenu le seul bruit perceptible. Derrière elle les filles s’étaient regroupée et retenaient leur respiration. Dans la pénombre, les traits impassibles du visage masculin qui leur faisait face prenait un aspect presque effrayant. Elle sentit son pouls s’accélérer à mesure que sa main hésitante se rapprochait de la nuque immobile.
Clic
« Oh Yeeeeaaaah BABEEEEE ! »
Encore cette voix infernale ! Ses doigts agrippèrent avec fermeté la goupille d’arrêt.
45 minutes plus tôt….
Le panneau coulissant se referma dans un grincement sinistre. Elle s’empressa de retirer son masque et de prendre une longue inspiration. Un peu d’air frais ! Enfin ! Suivant les lumières blafardes elle descendit une volée de marche et traversa un long couloir avant d'arriver devant une porte blindée entre-ouverte d'ou s’échappait une espèce de rap Cabestani. Le sigle anti-radiation avait été complété par une annotation manuscrite.
Ni mecs, ni grades
La musique était assourdissante et les filles, plongée dans leur partie, ne prêtèrent aucune attention à son arrivée. Sur la vielle table métallique s'étalaient des barres énergétiques, des BunGunGum’s et des piles entières de jetons de douches. Une bouteille de liqueur de lum presque vide et un pain d’épice suspect complétaient ce joyeux foutoir. Elle soupesa d’un œil soupçonneux les tranches brunâtres, visiblement rassies. Qui avait pu amener une telle horreur ? Charlotte ? Fort heureusement, personne ne semblait y avoir touché.
En l’apercevant, le Major Luna « Smile » Reno lui adressa un large sourire. Même à doses homéopathiques, le jeu de zygomatiques de la psychologue au teint mat lui était à présent insupportable. Ce désir compulsif de montrer à la galaxie entière la blancheur anormale de ses dents constituait une forme d'exhibitionnisme malsain.
Cette pourriture hypocrite de smile l'avait invité à rejoindre la table plusieurs mois auparavant. Elle avait pris ce geste pour une marque d’amitié avant de s'apercevoir que la bande s'interessait nettement plus à son habilitation à prescrire des régimes personnalisées qu’à sa compagnie. Les filles n’y étaient pas allées de main-morte sur les exigences et ce qui avait commencé par quelques compléments ajoutés en toute discrétion au suivi nutritionnel était devenu un approvisionnement régulier de rations frôlant la contrebande.
Qu’avait-elle gagné en retour ? Le privilège de partager avec ces garces la tonne d’emmerde qui n'allait pas tarder à découler de cette fichue affaire des jetons...
Snet, se décala pour lui faire une place.
La vipère noire tatouée sur l’épaule du caporal Zsnetlina « Snet » Rvazsova témoignait de son appartenance à la seconde compagnie du 8ème régiment et constituait un emblème on ne peut plus adapté à sa porteuse. Car Snet, bien que réservée, pouvait se montrer extrêmement venimeuse et médisante.
Elle prit place à la table. Les caisses qui faisaient office de sièges étaient vraiment inconfortables. Vika avança 3 jetons de douches vers le pot.
« Trois éclairs »
Le caporal Vika « Nitro » kuquiet compensait sa petite taille par ce qu'elle appelait, diplomatiquement, ou plutôt malhonnêtement, son « caractère authentique ». La pilote était effectivement une authentique boule de nerfs hargneuse qui confondait allégrement manque de savoir-vivre et trait de personalité.
« Six d’eau »
L’annonce de Smile fut accueillie par des regards courroucées.
« pfff-vla-q’s’r’parti-pour-qu’on-s’fasse-extraire-jusqu’au-noyau-moi-j’m’debranche-l’cable-la »
Le Caporal Yoneah «Yon » Etchiga était une fille enjouée qui, comme tout les Antarlaxiens, restituait en débit de parole ce qu’elle économisait en articulation. Diplomatiquement requalifiées en « particularismes linguistiques », leurs exactions à l’encontre de la langue commune étaient si violentes que même les autres Doviniens peinaient à les comprendre. Pour ne rien arranger, la totalité de leurs expressions tournaient autour de la seule activité de la planète, à savoir l’extraction de métaux.
Yon s’occupait de la révision des Scaphandre de Combat. Et quelque puisse être son accent, on se battait pour lui confier son matériel. Car en plus de l’entretien impeccable des pièces qui lui étaient confiées, l’antarlaxienne n’hésitait pas à outrepasser le règlement pour introduire des améliorations de son cru.
Les regards convergèrent vers la rouquine affalée dans l’unique fauteuil de la pièce. Après plusieurs secondes interminables, Charlotte se contenta de bailler.
« Woouahh… j’suis crevée moi…. crevée...crevée ...crevée…. »
A suivre ...